Mieux vaut prévenir que guérir
Voilà bien un proverbe partagé par de nombreuses cultures et qui remonte à la nuit des temps. Les Chinois en ont même fait le fondement de leur médecine, puisque là-bas on paie son médecin pour ne pas tomber malade… Du point de vue de la médecine scientifique, la vaccination est le premier exemple d’une prévention médicale efficace à l’échelle de la terre entière.
Grâce à l’OMS, la démonstration de l’efficacité des vaccins à l’échelle planétaire a été clairement apportée dans le cas de la variole. Sa mortalité infantile était si élevée que, dans certaines cultures, il était interdit de donner un prénom à un enfant avant qu’il n’ait survécu à l’infection. Les grands de ce monde n’y échappaient pas non plus: Queen Mary II d’Angleterre, l’Empereur Joseph Ier d’Autriche, le Tsar Pierre II de Russie et le Roi Louis XV y succombèrent. En 1950, l’OMS estimait à 50 millions le nombre de nouveaux cas de variole chaque année, avec 30% de mortalité. En 1967, le plan d’éradication de la variole était lancé. En octobre 1977, on signalait le dernier cas officiel de variole naturelle, en Somalie. Ainsi la variole était éradiquée de la surface de la terre, sûrement le plus grand succès de la médecine préventive à ce jour. Il faut savoir que l’on pourrait également se débarrasser de la même manière de la poliomyélite. L’OMS a lancé son programme d’éradication en 1988 déjà. Les progrès sont là, mais, hélas, plus lents que pour la variole. L’Inde et l’Afrique restent les principaux pays d’endémie et d’épidémie. Il faudra encore faire de sérieux efforts : question de moyens financiers, d’organisation sanitaire et surtout de volonté politique. Mais quelle est la situation pour d’autres maladies infectieuses telles que le sida, la malaria ou la tuberculose? Là, le problème est encore plus difficile. Comme l’explique le Professeur Kraehenbühl, on n’a pas encore réussi à développer des vaccins efficaces contre ces maladies.
Les raisons de ces échecs sont à trouver dans la biologie particulière de ces germes pathogènes, capables de déjouer les défenses immunitaires de l’organisme par des mécanismes que l’on commence enfin à comprendre. Beaucoup de travail de recherche fondamentale et appliquée est encore nécessaire. Il n’est honnêtement pas possible de dire quand on disposera de vaccins suffisamment efficaces pour envisager l’éradication de ces maladies.
Heureusement que l’efficacité des vaccins contre un grand nombre de maladies autrefois fréquentes (tétanos, diphtérie, rougeole, rubéole, etc.) n’est plus à démontrer. La Professeure Claire-Anne Siegrist nous en rappelle les enjeux pour la population suisse. L’actuelle épidémie de rougeole en Suisse – qui a notamment causé la mort d’une fillette de 12 ans à Genève – nous rappelle cruellement que cette maladie n’est pas bénigne. Comme pour la variole ou la poliomyélite, il est possible de l’éradiquer. C’est l’un des objectifs de l’OMS : entre 2000 et 2007, la mortalité mondiale de la rougeole a chuté de 74%, passant de 750’000 (!) à 197’000 décès officiellement recensés. Ce succès est surtout le résultat des campagnes de vaccination à l’Est de la Méditerranée, ainsi qu’en Afghanistan, Somalie, Pakistan et au Soudan. A l’échelle mondiale, la mortalité demeure cependant encore très préoccupante. La Suisse, hélas, reste un bien mauvais élève, avec un taux de vaccination moyen (86%) bien inférieur à ce qui est nécessaire pour l’éradication de la maladie (plus de 95%). La Suisse du XXIe siècle va-t-elle devenir le premier exportateur mondial de la rougeole, comme l’Espagne au XVIe siécle, quand cette maladie a exterminé les populations amérindiennes plus efficacement que les armes à feu de quelques dizaines de conquistadores? Comme le rappelle le témoignage d’un médecin praticien, «prévenir vaut mieux que guérir» est un principe que tout le monde est prêt à admettre mais, lorsqu’il s’agit de convaincre les parents de faire vacciner leurs enfants…
Espérons que ce numéro aide à sensibiliser tout un chacun à cette question.